« Extrait » d’une présentation faite lors de l’atelier de généalogie de mai 2025.
Lors de vos recherches généalogiques, vous avez sans doute « croisés » des enfants trouvés, sinon il y a de forte probabilité que vous en rencontriez. L’abandon était courant en France, surtout de la fin de l’Ancien Régime jusqu’au début du Second Empire.
Sans doute vous êtes-vous interrogé sur l’origine du nom qui leur était attribué. Comment nommait-on ces enfants, quelle était la règle ? Réponse simple, il n’y en avait pas ou plutôt il y en avait trop.
Sous l’Ancien Régime, il n’y avait aucune règle et chaque institution faisait ce qu’elle voulait.
Le Concile de Trente ( – ) * avait fixé que l’enfant devait recevoir un prénom et un nom dans les 3 jours après la naissance, mais ce n’était pas toujours respecté.
A leur arrivée dans l’institution, les enfants recevaient un baptême « sous condition » et un nom leur était donné confirmant leur nouvelle identité.
Sous l’Ancien Régime
La plupart des noms créés pour les enfants anonymes au cours du XVIIIe s. ont été des noms « vraisemblables », ne signalant pas leur origine.
Généralement on leur attribuait un prénom double. L’un des prénoms pouvant se transformer en nom. On optait généralement pour des noms de saints, on prenait également le nom du saint du jour.
Mais on pouvait également :
- utiliser des noms de lieux, pays ou villes : Marseille, Cracovie,…
- s’inspirer des noms de personnes impliquées dans le processus d’abandon (prêtre, employé de l’hospice, sage-femme,…) Par exemple Madame Godefrain sage-femme parisienne donna les variantes suivantes : Degafrain, Godet, Gondel, Gaudet, Gode, Gofat, Goffe, Gofrot, Gondefrain.
- créer un nom à partir des caractéristiques de l’enfant : Toutbeau, Lablonde, Grossetête,…
- créer un nom en fonction des circonstances : Nuit, Larue, Delaporte, Delamarche,…
A partir de la Révolution, les choses se compliquent
Le décret du 29 floréal an II (18 mai 1794) remplace les noms des saints dans les calendriers par des termes républicains (fleurs, minéraux, animaux, vertus, grands hommes de l’antiquité).
Forcément on s’attend à ce qui va suivre… Certains enfants trouvés se voient dotés de noms empruntés au règne animal ou végétal, marquant leur origine et risquant de gêner leur insertion sociale.
Le grand nombre d’enfants abandonnés à cette période va influencer la dénomination. Des centaines de noms doivent être créés chaque année.
Mais les pratiques ne sont toujours pas unifiées.
Premières décennies du XIXe s. :
- Multiplication de noms liés au règne animal et végétal : Rozeau, Epinard, Cerfeuille, Crapaud, Limace, Papillon, Fougère, Duchesne,…
- Dans certaines villes, on trouve des références à l’histoire et à la mythologie comme Minerve, Hercule, Vespasien, Tacite, Pythagore,…
- Certains noms sont également tirés du nom du mois de l’abandon.
Pour Vendémiaire : Vendick, Vendignac, Vendelux, Vendirose, Vendiolle, Vendiev…
Certains hôpitaux se dotent d’un système alphabétique.
- Système simple (comme à Paris et Rouen 1820-1850) :
on prend la même initiale à tous les noms du mois et on décline l’alphabet. - Système plus complexe (Nantes) : on détermine la 1ère et les dernières lettres et on fait varier les lettres intermédiaires. Par exemple pour octobre 1837 – les noms commencent par la lettre B et se terminent par « OIS » : Badois, Bidois, Brajois, Bouvois, …
Les dérives
Il était rare en France de donner des noms similaires à de nombreux enfants. Mais à Uzerche en 1840 beaucoup d’enfants reçurent le nom de « Rassoir ».
Des pupilles ont reçu des noms qui pouvaient leur porter préjudice :
- des noms comme Glaire ou Crottalaire. Une fille est nommée Mauvaiserencontre, une autre Fornication en Corrèze (source RFG)
- des L’O, Le L.L., Marie N.V.D.A,… à Bourg-en-Bresse et à Paris
- on trouve des cas d’enfants ne recevant qu’un prénom sans nom (ou en guise de nom). En cas de mariage de l’individu, la case du nom (ou du prénom) reste vide, symbole de son identité incomplète.
Exemple : le sieur Maurice (puis Morice) enfant trouvé à la saint Maurice, exposé dans le portail de l’église le 24 septembre 1789 à Saint-Jean-des-Champs (50)
Acte de baptême :
Maurice issu de pere et mere inconnus, exposé dans le portail de cette église le vingt quatrième jour de septembre audit an mil sept cent quatre vingt neuf a été baptisé sous condition par nous soussigné Curé de ce lieu et ainsi nommé par Magdelene Duchene épouse de Jean Vivier Me soussignes de cette paroisse
Acte de mariage :
L’an mille huit cents treize le vingt sept février (…) de Courcy (…) sont comparu le sieur Morice enfant naturel de l’hospice civil de Coutances, fils majeur agé de vingt trois ans étant attesté né à St Jean des Champs proche Granville département de la Manche le 24 septembre 1789 (…) profession de homme à gages, domicilié de cette commune (Courcy) et de demoiselle Marie Jeanne Beuchet née en cette commune agé de vingt cinq ans, fille majeure de Guillaume ici présent et consentant et de Louise Françoise Le Voye. »
On voit l’amalgame entre enfant naturel et enfant trouvé.
Cette façon de faire reflète le regard négatif d’une partie de la population. Le nom devient une sanction pesant sur l’enfant.
Fort heureusement, la plupart de ces noms n’ont pas été transmis jusqu’à nos jours. Sans doute lié à une forte mortalité des pupilles, à la difficulté d’accéder au mariage et à la paternité, mais aussi suite au changement de noms qui était possible à cette période.
Normalisation et fin des dérives
- Circulaire du 30 juin 1812 : va réglementer l’attribution de noms aux enfants trouvés et abandonnés. L’objectif est de donner à chaque enfant un nom qui lui soit propre et d’éviter que ce nom constitue un signe infamant rappelant son origine.
- Circulaires du 13 Août 1841 et du 31 Décembre 1905
Apportent une solution aux dérives : le ministère de l’Intérieur rappelle que les noms de ces enfants ne doivent pas être discriminatoires, ni leur porter préjudice.
Les pouvoirs publics assurent leur protection à ces enfants.
C’est à cette époque que la mortalité des pupilles commence à baisser et qu’une proportion plus importante atteint l’âge adulte.
* Le Concile de Trente : du au
du sieur Morice à Zelia
Pour en revenir à notre sieur Morice ou N. Morice (*) , son fils unique Jean-Louis Morice eu une belle descendance. On dit qu’il « fit souche ».
Son nom est encore porté de nos jours (en Normandie, en Bretagne, …). Une de ses descendantes, mon arrière grand-mère, répondait au prénom peu commun de Zelia. Mais ceci est une autre histoire.

* A noter, en généalogie, il est d’usage de noter « N. » pour inconnu. (au féminin on indiquera Na.)
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Sources :
Archives Départementales de l’Ille-et-Vilaine : BMS Talensac 1781 Sépultures 10 NUM 35331 265
Archives Départementales de la Manche : Saint-Jean-des-Champs, Baptêmes, Mariages, Sépultures, 1788 – 1793, 5 Mi 2002, Courcy
RFG HS « Nom de famille : la clé de vos recherches »