Histoire d'Acigné

La Seigneurie d’Acigné

La période de turbulences issue de la chute de l’empire romain et des grandes invasions se termine à la fin du 1er millénaire. Le comté gallo de Rennes est officiellement rattaché à la Bretagne au IXe siècle, par le traité d’Angers (851).

Au Xème siècle, le comte de Rennes, Juhaël Bérenger, parvient à prendre une position hégémonique et à fonder une dynastie : son arrière-petit-fils Alain III réussira à se faire reconnaître duc de toute la Bretagne (de 1008 à 1040). C’est alors qu’apparaissent les premiers seigneurs d’Acigné.

D’où viennent-ils ? Selon une version flatteuse rapportée par Augustin du Paz (historien du XVIIe siècle), Juhaël Bérenger lui-même engloba les terres d’Acigné dans la baronnie de Vitré, qu’il attribua à son fils cadet Martin de Rennes. Mais le fils de ce dernier, nommé Rivallon, l’en détacha en 1010, en créant la seigneurie d’Acigné qu’il attribua à Renaud, son troisième fils, lequel devint ainsi le premier seigneur exclusif d’Acigné.

Dans une version plus prosaïque, on peut supposer que les premiers seigneurs d’Acigné avaient des liens très forts avec ceux de Vitré et qu’ils étaient descendants de hauts dignitaires carolingiens forestiers de la région de Craon, confirmant ainsi cette déclaration de l’ingénieur Ogée dans son fameux Dictionnaire de Bretagne (1778) :

« cette terre d’Acigné a toujours appartenu à des seigneurs de la première distinction ».

Plus de trente successeurs portèrent le titre de seigneur (puis de marquis) d’Acigné jusqu’à la Révolution française. La plupart d’entre eux furent enterrés au Couvent des Cordeliers de Rennes, fondé vers 1230, qui a été en partie détruit, en partie transformé au XIXe siècle. Les seigneurs d’Acigné habitèrent pendant un certain temps un château aujourd’hui disparu appelé le Fort de la Motte, et peut-être une résidence située dans le bourg. D’après une légende, une fortification située au Fort de la Motte, dans un méandre de la Vilaine en face la base actuelle de kayak, sur la rive noyalaise, fut détruite par un déluge local qui l’emporta dans une crue torrentielle, à une époque indéterminée. La légende qualifie cet événement de malédiction (de nos jours, au Fort de la Motte, on peut apercevoir difficilement les traces d’une motte de terre de 16 m de diamètre). Les seigneurs d’Acigné résidèrent à leur château de Fontenay en Chartres-de-Bretagne, à partir du début du XVe siècle. De nos jours ce château n’existe plus. Il reste quelques vestiges de la chapelle.

La dynastie des seigneurs d’Acigné

Sans entrer dans le détail de la vie de tous les seigneurs d’Acigné et de leur famille, voici quelques noms et faits marquants de cette dynastie fort distinguée:

Rivallon le vicaire, époux de Genergaude, fut seigneur à la fois de Vitré, Marcillé-Robert et Acigné. Le surnom de « vicaire » était un titre honorifique qui désignait un notable et signifiait « vicomte » au début du XIe siècle.

Renaud d’Acigné, son troisième fils, fut le premier seigneur exclusif de la terre et seigneurie d’Acigné en 1010.

Raoul 1er fut le 5e seigneur d’Acigné. Un de ses fils, Geoffroy, après avoir mené une vie dissolue, se convertit et se fit moine auprès de l’ermite Haton à la « grange » du Feu, près Louvigné.

Hervé II, 6e seigneur d’Acigné, épousa Mayence de Dol. Devenue veuve, elle se fit religieuse à l’abbaye St Georges de Rennes.

Alain Ier, 9e seigneur d’Acigné.

Il prit les armes contre Richard Cœur de Lion pour la libération de la duchesse de Bretagne, Constance, que le roi d’Angleterre avait fait enlever.
Il fut compris dans la paix faite entre Richard et les seigneurs bretons (1198).
De nouveau il prit les armes contre le roi Jean Sans Terre pour venger l’assassinat du jeune duc Arthur de Bretagne en 1203.

De ces interventions guerrières serait née, dit-on, la devise des seigneurs d’Acigné :

« ils ne craignent même pas les monstres » (en latin : Necque terrent monstra).

Alain II, 10e seigneur d’Acigné.

Blason d'Acigné
Blason d’Acigné

En 1234, de son vivant Acigné fut incendié sur ordre du duc Pierre Mauclerc.
Il participa à la bataille victorieuse de Châteaubriant en 1222, quand les Bretons vainquirent les Angevins d’Amaury de Craon. Il entra par la suite en conflit avec le duc de Bretagne Pierre Mauclerc, qui en représailles lui incendia son manoir et brûla le bourg et les moulins d’Acigné en 1234.

Il fit construire la chapelle de la Motte en 1240. Saint Louis le dédommagea et lui permit, en raison de ses mérites, de mettre dans le blason d’Acigné trois fleurs de lys de France.

Jean Ier, 14e seigneur d’Acigné. Il fut marié deux fois et gouverna ses terres l’espace de 74 ans. Il mourut en 1421.

Jean II, 15e seigneur d’Acigné, marié à Marie de Coesquen.

Il fut du nombre des 120 chevaliers et 500 soldats bretons qui se croisèrent contre les Turcs en 1396, au service du roi de Hongrie.
Le 25 septembre 1396, à Nicopolis (Bulgarie), dans un acte de vaine bravoure, les chevaliers français chargèrent une colline fortifiée, derrière laquelle se trouvait le gros des forces turques. Vaincus et faits prisonniers, ils furent massacrés sauf quelques-uns que le sultan Bajazet relâcha après rançon. Parmi ceux-ci, trois chevaliers bretons seulement dont Jean d’Acigné, qui fit don à la paroisse d’Acigné de sa bannière et de son épée de croisé (aujourd’hui disparus). Jean II mourut en 1403, sept ans après son combat perdu.

Pierre d’Acigné était le frère cadet de Jean II d’Acigné.

Enfeu du sénéchal Pierre d'Acigné (XVè siècle)
Enfeu du sénéchal Pierre d’Acigné (XVe) à St Antoine l’Abbaye (Isère).

Vaillant et adroit aux armes, on le surnomma, avant Bayard, “chevalier sans peur et sans reproche”.

Il suivit Louis d’Anjou, frère du roi Charles V, dans les guerres qu’il eût en Guyenne et Poitou contre les Anglais, puis lors de la conquête du comté de Provence.
Après la mort du duc, il servit son fils Louis II d’Anjou, à la conquête de Naples. Très satisfait de ses services, Louis II, duc d’Anjou, comte de Provence et roi de Sicile, nomma Pierre d’Acigné grand sénéchal de Provence et lui accorda diverses seigneuries dont celle de Saint Tropez.

Pierre d’Acigné, époux d’Hélène d’Enghien, mourut à Vienne, en Dauphiné. Il est enterré dans l’abbatiale de St Antoine-l’abbaye (Isère), où l’on peut encore voir son enfeu.

Jean III, fils cadet de Jean II, lui succéda en 1403, le fils aîné Pierre étant mort brusquement à Marseille.

Il se maria le 1er mai 1408 à Jeanne de Fontenay. A partir de cette date, lui et ses descendants quittèrent Acigné pour habiter le manoir de Fontenay en Chartres-de-Bretagne.
Il mourut peu après en 1410. Sa veuve se remaria 2 fois. C’est de cette période que date la légende de la malédiction d’Acigné, pleine de sous-entendus.

Jean IV, fils unique de Jean III et 17e seigneur d’Acigné, épousa Catherine de Malestroit, sœur de Guillaume de Malestroit, évêque de Nantes, et sœur de Jean de Malestroit, seigneur de Combourg, tué à la bataille d’Azincourt.

Un de leurs fils, Amaury, devint à son tour évêque de Nantes et défraya la chronique en tenant tête au duc de Bretagne. Louis XI s’étant mêlé de la querelle en menaçant le duc, cette initiative fut à l’origine de la coalition des grands féodaux contre le roi, dite « Ligue du Bien Public », qui se termina en 1465 par la paix de Saint Maur.

Le château de Chassay

Le château de Chassay servait autrefois de résidence de campagne aux évêques de Nantes. Amaury d’Acigné, évêque de Nantes, le fit fortifier et entourer de douves en 1461. Confisqué par le duc François II, Anne de Bretagne y séjourna. Rendu ensuite au clergé, Henri IV y vint dîner avant d’aller signer l’Edit de Nantes en 1598. Le château de Chassay est devenu aujourd’hui la mairie de Ste Luce-sur-Loire.

Jean V, 18e seigneur d’Acigné, marié à Béatrix de Rostrenen. Décédé en 1497.

A son époque, la Bretagne perdit son indépendance (guerre de 1488-1491) et Acigné fut occupé six jours par l’armée française de La Trémoille.

Jean VI, 19e seigneur d’Acigné fut marié à Gilette de Coëtmen, fille du vicomte de Tonquédec. Décédé en 1525.

Guillaume d’Acigné, frère de Jean VI, épousa Françoise Péan, héritière du château de la Roche-Jagu (Côtes d’Armor) dont le père mourut dans les rangs bretons à la bataille de St Aubin-du-Cormier en 1488.

De ce mariage, naquirent six fils et huit filles ! (Parmi ces enfants, Louis d’Acigné devint à son tour évêque de Nantes en 1532 et fut enterré en grande pompe en 1542 dans le choeur de l’église du couvent Bonnes Nouvelles de Rennes).
Guillaume d’Acigné par son mariage fonda la branche dite d’Acigné de Grandbois qui s’est fondue en 1684 dans les ducs de Richelieu et s’est éteinte en 1715.

Jean VII, 20e seigneur d’Acigné, fut nommé lieutenant général au gouvernement de Bretagne et gentilhomme de la chambre du roi François 1er.

Il épousa Anne de Montejean, dame de Châteaugiron, sœur d’un maréchal de France. Il devint par ce mariage seigneur de la baronnie de Châteaugiron, couvrant 26 paroisses.
Il mourut en 1539. Il n’avait pas pris parti clairement dans le conflit religieux d’alors mais avait toléré un pasteur protestant à Châteaugiron.

François d’Acigné sire de Montejean, frère de Jean VII, avait quand à lui, pris clairement position en faveur de la religion réformée. C’est dans les rangs de l’armée protestante qu’il fut tué le 13 mars 1569 au combat de Jarnac, remporté par l’armée du duc d’Anjou, futur roi Henri III. Le prince de Condé et 140 gentilhommes protestants périrent ce jour-là dans une charge de cavalerie malheureuse contre des forces supérieures.

Jean VIII d'Acigné
Jean VIII d’Acigné

Jean VIII, 21e seigneur d’Acigné et dernier du nom, épousa la belle Jeanne du Plessis de la Bourgonnière, petite-fille d’un favori du roi Charles VIII.

Il mourut le 7 décembre 1573, ne laissant qu’une seule héritière : Judith. Après son décès, sa veuve se retira à la cour de la reine Catherine de Médicis. Brantôme en parle dans ses Mémoires.

 

 

Château de La Roche-Jagu (Côtes d’Armor)

Le château de la Roche-Jagu, a appartenu à la branche cadette des seigneurs d’Acigné aux XVe et XVIe siècles. Il fut achevé en 1420 et restauré par le Conseil Général des Côtes d’Armor à partir de 1958.

Les successeurs de la famille d’Acigné

Judith d’Acigné, fille unique de Jean VIII, fut la dernière descendante du nom de la branche aînée d’Acigné.

Judith d'Acigné
Judith d’Acigné (1559-1598), baronne de Châteaugiron, dernière descendante du nom d’Acigné de la branche aînée.

Cependant son mariage fut sensationnel, comme un chant du cygne familial. En effet elle épousa le 6 octobre 1579 Charles de Cossé, successivement comte puis duc de Brissac, maréchal et fils de maréchal de France. Ils eurent trois enfants.

Rallié à la Ligue (catholique) pendant les guerres de religion, il fut nommé par le duc de Mayenne gouverneur de Paris assiégé par l’armée royale, en janvier 1594. Néanmoins, il décida d’ouvrir les portes de la capitale à Henri IV, ce qu’il fit le 22 mars 1594 à 4h du matin par temps de brouillard en présentant les clés au roi. Ce faisant il accomplit un geste historique capital pour mettre fin à la guerre civile. Henri IV le récompensa largement, le nommant lieutenant-général du roi en Bretagne en 1596 et faisant ériger en 1609 la seigneurie d’Acigné en marquisat.

La famille de Cossé-Brissac était une famille de première importance en France au XVIe siècle. Elle fit construire en Anjou le château de Brissac, encore visible. Il est le plus haut de France (7 étages). On dit qu’après l’avoir visité, le dauphin de France déclara : « Si je n’étais dauphin, je voudrais être Brissac ! ».

Judith d’Acigné mourut en 1598, son mari en 1621.

Le petit-fils de Judith, Louis de Cossé-Brissac, vendit en 1657 le marquisat d’Acigné à René Lambert, seigneur de la Havardière.

Par le jeu des alliances aux XVIIe et XVIIIe siècles, le marquisat d’Acigné passa successivement aux mains des familles Freslon de la Freslonnière puis Talhouët de Bonamour.

A noter le mariage en 1709 d’Eléonore Freslon, sœur du marquis d’Acigné, avec Louis de Talhouët, comte de Bonamour.

Portrait d'Auguste-Frédéric de Talhouët
Auguste-Frédéric de Talhouët Fils du dernier marquis d’Acigné (Portrait par Horace Vernet)

 

Ce personnage remuant fut un maillon important de la conspiration bretonne dite de Pontcallec, dont il rédigea la proclamation. Condamné à mort en 1720 par le Régent pour « crime de lèse-majesté et félonie », il s’enfuit à l’étranger où il se mit au service de l’Espagne, qui le nomma capitaine des gardes wallonnes. Il fut tué en Italie du Sud à la bataille contre les Autrichiens devant Bitonto (1734), bataille acharnée qui dura 9 heures. Louis de Talhouët-Bonamour périt en exil sans avoir revu sa femme. Celle-ci devint marquise d’Acigné en 1748 par le décès de son frère aîné Alexis, mort sans postérité.

Louis-Céleste de Talhouët-Bonamour, petit-fils d’Eléonore Freslon, fut le dernier marquis d’Acigné, marié à Elisabeth Baude de la Vieuville.

Officier de cavalerie, comte de l’Empire français en 1809, président du collège électoral de la Sarthe, il vendit vers 1808 presque toutes ses terres et celles de sa femme en Bretagne pour s’établir au château du Lude (Sarthe). Il eut deux filles. Il mourut à Paris le 5 mars 1812.

La fin des d’Acigné

La branche aînée de la maison d’Acigné finit en 1598 lors du décès de Judith d’Acigné, unique héritière du nom.

La plupart des seigneurs d’Acigné avaient coutume, à partir du XIIIe siècle, de se faire enterrer au couvent des Cordeliers de Rennes. Malheureusement pour eux l’église des Cordeliers fut rasée au XIXe siècle.

La branche cadette, dite de Grandbois, s’est fondue en 1684 dans les ducs de Richelieu et s’est éteinte au 18ème siècle.

Claude d'Acigné (1620-1685)
Claude d’Acigné, marquis de Carnavalet, seigneur de Kernabat (1620-1685)

Une 3e branche, dite de Kernabat, est issue du mariage en 1618 de Marguerite Fleuriot, dame de Kernabat et de Carnavalet, avec Jean VII d’Acigné, frère cadet d’Honorat d’Acigné, seigneur de La Roche-Jagu, comte de Grandbois.

De cette union naquirent 3 fils dont le cadet, Claude d’Acigné, proche de la reine mère Anne d’Autriche, il devint son page, puis lieutenant des gardes du corps du Roi Louis XIV. Il fut nommé gouverneur de Saint-Brieuc, lieutenant du roi au Havre, gouverneur de Béthune en 1661, et termina sa carrière comme gouverneur de la ville de Brouage en 1667. Devenu riche, il fit embellir et agrandir et restaurer le château de Kernabat, près de Guingamp.
Claude d’Acigné mourut en 1685.

Son neveu Jean VIII lui succéda et mourut en 1715, laissant une fille, qui s’éteignit en 1739, mineure et sans alliance.

La succession passa à la soeur de Jean VIII, mariée à François, marquis de Coatrieux.
Le domaine de Kernabat fut vendu en 1888 par les héritiers.

Le nom de la famille d’Acigné menaçant de disparaître, un homme recréa en quelque sorte une branche dite de Bourbon d’Acigné sous le règne de Louis XVI.
Il s’agit de François Agnel, faïencier à Varages (Var). Il déclara descendre d’Antoine, fils du sénéchal Pierre d’Acigné. Les preuves écrites auraient disparu dans un incendie. Certains le crurent, d’autres non.

Château de Kernabat (Côtes d’Armor)

Le château de Kernabat en Plouisy, ayant appartenu à la famille d’Acigné au XVIIe siècle.